Au-delà des risques inhérents de nos géographies et des imbrications de nos histoires coloniales et postcoloniales, les caraïbes francophones sont plurielles et sont amplement des territoires riches de sens et de diversité, de narrations polyphoniques. La richesse de leur espace, de leur paysage prédispose à la production et la réalisation de pratiques de loisirs, et des traditions ludiques issues de leur insularité et de la transnationalité de la circulation de jeux et jouets traditionnels usant de leur environnement, enracinés dans leur culture, leur imaginaire et dans des relations sociohistoriques qui leur lient avec d’autres territoires par la sonorité, la langue, les modalités, les contextes de production, les transmissions de phénomènes ludiques etc. En un sens, ancrés dans leur origine caraïbéenne, africaine, nord-américaine, européaniste,amérindienne, les jeux et jouets traditionnels, les loisirs de ces territoires (loin de certains processus d’occidentalisation et inscrits dans un discours de retour à la source, à des racines sémiotiques et historiques, culturelles) sont importants de s’y adonner et d’y penser. Au-delà, des territoires, de nos singularités plurielles soient dans notre histoire commune, nos langues et langages bilingues (créole, français), nos paysages tropicaux, de nos littératures, nous avons des jeux et des jouets traditionnels, des pratiques de loisirs qui nous lient, nous identifient, nous donnent et renvoient à des temporalités et des évènements de nos vies depuis notre période de nourrisson à différentes périodes de notre vie biologique (veillée funéraire, baptême, mariage) et sociale (scolaire, familiale, professionnelle) du milieu urbain au milieu rural.
Nous jouons tous et toutes d’une manière différente avec des éléments du quotidien, des objets matériels (bois, plastique), par le biais de langages corporels, des gestes et des langues qui participent dans le processus de ludification et de « faire loisir » de ce que nous possédions comme patrimoine ludique si exceptionnel.
Si certains de nos jeux et loisirs sont frappés d’interdits moraux, religieux, nos engagements ludiques et de faire la fête, sacrés, individuels et / ou collectifs permettent de voir nos vies – formes de résistances et de subversion à la peur, à la précarité sociale et économique, aux changements climatiques et aux aléas naturels, nous faisons des loisirs pour vivre. Et, nous vivons par l’entremise de nos loisirs, de nos jeux traditionnels et pratiques ludiques. Ce vivre est un vivre-ensemble qui font de nos lakou, de nos communautés des espaces de signification ludique et culturelle, patrimoniale envers ceux et celles qui participent à cette organisation sociale de la vie, de nos milieux et de notre Terre. Haïti, et les autres pays des Caraïbes (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Martin) ont fortement besoin d’un espace discursif, pédagogique, fédérateur où les jeux et jouets traditionnels, les loisirs s’émulent dans une festivité itinérante transnationale et régionale.
Et pour la toute première édition du Festival International des Jeux et Loisirs des Caraïbes (FIJLoC), propulsé par la Fondation Thamani, est faite pour cela. Ainsi, Haïti est le pays hôte de cet évènement et la Martinique le pays invité.
Enfin, après des années de pandémies, des actes de déboulonnages de statues historiques, des manifestations pour les affaires de Chlordécone, des saisons cycloniques les plus étranges du XXIe siècle aux Antilles (aux départements d’outremers français) et autres territoires des caraïbes, des mouvements sociaux et de peyi lòk en Haïti, le FIJLoC, par son thème annuel : « Des loisirs responsables pour des communautés inclusives et durables» vous invite du 6 au 16 août 2023 à penser, à partager, à coconstruire des loisirs qui tiennent à favoriser l’inclusion, la diversité et la préservation et la durabilité de nos communautés humaines, numériques et culturelles, vivantes.
Ludiquement vôtre !
Théophilo Jarbath